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      Les rayons du soleil commençaient à peine à déchirer le ciel nocturne. L’air frais extérieur avait déposé sur les fenêtres sa rosée, réaction élémentaire en comparaison avec la chaleur de la pièce. Ni la jeune femme allongée, dévêtue dans les draps ou l’homme qui finissait d’enfiler sa botte avaient envisagés, un seul instant, d’ouvrir les fenêtres au cours de la nuit, préférant se complaire dans la chaleur de leur danse nuptiale.

       La dernière.

       Cette fois, Tae partirait pour de bon. Il avait rassemblé ses affaires et les avait déposés devant l’entrée. Oui, cette fois, il y arriverait. Il fallait qu’il parte. Qu’il laisse Kukki vivre, maintenant, sa vie, sans la laisser dépendre de lui. Les termes de leur collocation avaient été clairs. Le jour viendrait où le jeune homme partirait. Pourtant, chaque fois qu’il avait voulu passer la porte, il avait fait l’erreur de se retourner pour finalement rester encore un peu. Kukki n’était pas idiote. Pour lui faciliter la tâche, elle simulait le sommeil. Leur échange torride de la veille était toujours l’amorce du départ de Tae. Dès leur première fois, le jeune homme avait été clair. Il n’avait pas le moindre sentiment à son égard. Son cœur appartiendrait pour toujours à Kim et ceci, dès l’instant où il avait appuyé sur la gâchette du révolver qui avait ôté la vie à sa bien-aimée. Alors pourquoi n’arrivait-il pas à partir ? Pourquoi restait-il prêt de cette pauvre jeune femme qu’il avait arraché des griffes de leur bourreau ?

       La réponse était évidente. Sans ressentir le moindre sentiment amoureux, Tae s’était attaché à Kukki. Il aimait la voir déambuler dans l’appartement en petite tenue, ou la rejoindre à son travail dans le bar juste en dessous de cet appartement. Il aimait leurs étreintes nocturnes, leurs douches échangées ou encore les murmures de plaisirs de la jeune femme, sa manière d’onduler sous et sur lui, les soubresauts de sa poitrine, l’odeur étouffante de leurs baisers. Leur vie pouvait être confortable. Mais ce n’était pas l’objectif de Tae. La libération de Kukki n’avait été que sa première étape dans le processus de vengeance. Maintenant, il devait s’en aller. Loin d’elle, de cette ville, de ce pays.

       Il finit d’attacher sa botte puis se leva, sans faire de bruit. Quand bien même Kukki pouvait faire semblant de dormir, il avait décidé de jouer le jeu et de la croire dans les bras de Morphée. Cette fois, il ne pouvait pas se défiler. Il passa une dernière fois la porte de la chambre, s’avança à pas de loup jusqu’à la porte d’entrée, l’ouvrit doucement, prit ses affaires et mit un pied dans le couloir qui le mènerait à la sortie.

       Comme la dernière fois.

       Pas question de se défiler cette fois. Il prit une grande inspiration et se tourna doucement pour refermer la porte derrière lui. Ses yeux s’étaient posé sur ses pieds, s’interdisant de regarder à l’intérieur.

       Clic.

       Voilà, il s’en était allé. Kukki pouvait entendre ses pas s’éloigner. Elle attendit encore un peu. Il pouvait toujours faire marche-arrière comme les innombrables tentatives précédentes. Mais aucun bruit de pas ne revint vers la porte de son appartement. S’en était fini. Ça y est.

       Allongée dans le lit, la jeune femme ressentit une vive douleur dans sa poitrine. Elle se sentit seule, d’un seul coup. La place à côté d’elle se refroidissait déjà, mais l’odeur de son sauveur persistait encore. Elle avait eu beau s’y préparer à mainte reprise, jamais jusqu’ici Tae n’avait réussi à partir pour de bon. Chaque fois qu’il commençait à s’en aller, il finissait toujours par reprendre sa place à côté d’elle. Elle le prenait alors dans ses bras et lui embrasser la nuque, lui susurrant qu’il y arriverait la prochaine fois.

       N’étant pas une experte dans les choses de l’amour, elle avait laissé le jeune homme l’initialiser tant dans le plaisir de la chair, que dans l’introspection de ses émotions nouvelles. Pour lui, il n’y avait que du désir entre eux et elle l’avait cru. Pourtant, s’il n’y avait eu que ça, elle n’aurait pas ressenti une si vive douleur, n’est-ce pas ? Sans prétendre à de l’amour véritable, Kukki s’était attaché à Tae. Elle était maintenant seule, dans une vie nouvelle. Grâce à lui et à ses conseils, elle avait acquis cet appartement et ce bar juste en dessous. Elle avait appris à gérer son personnel, à embaucher des personnes de confiance, à gérer son argent. Elle avait appris que la richesse pouvait lui apporter quelques facilités – comme une autorisation de résidence permanente au sein de l’île du soleil levant – mais qu’il était plus sage de le mettre en lieu sûr et de ne pas trop le montrer, pour le moment.

       Chaque fois qu’il était revenu, il avait prétendu que la jeune femme n’était pas encore tout à fait prête à devenir indépendante, qu’il devait encore la guider pour prendre son envol. C’était faux, bien sûr. Elle le savait. La jeune femme apprenait vite et elle gérait son affaire seule depuis un mois déjà.

       Son visage s’humidifia sous le torrent de ses larmes silencieuses. Un soubresaut la gagna, puis un autre encore. Refusant de se laisser aller à la tristesse, elle se tourna et enserra son oreiller contre son visage. Elle resta dans cette position un temps incertains, humidifiant, cette fois, la taie d’oreiller. Lorsqu’elle n’eut plus l’énergie de pleurer, la jeune femme se releva, les yeux rougis de tristesse et se dirigea vers la salle de bain. D’ici une heure, elle ouvrirait son commerce. Il fallait qu’elle se tienne prête.

       Des images floues, rapides mais démontrant une importante violence. Des corps démembrés, des suppliques éplorées, des cris de souffrance. Puis, enfin, ses yeux améthystes et sans âme se reflétant dans le reflet d’un miroir.

       Pai se réveilla en sursaut, abandonnant derrière lui son oreiller humide de sueur. Quelques mèches de ses cheveux gris étaient accolées à son front perlé. La respiration difficile, l’alien essayait de reprendre ses esprits. Ça n’avait été qu’un cauchemar. Un étrange et horrible cauchemar insensé. Encore.

       Cela faisait quelques jours que ce genre d’image venait hanter ses songes. Depuis sa rencontre avec les mew-mew dans les ruines encore chaude de la mystérieuse bâtisse. À défaut d’y avoir trouvé quelque chose d’intéressant – notamment du mew-aqua – l’aîné des aliens avait préféré taire son escapades à ses frères. À mesure que ces images venaient le hanter, il commençait sérieusement à le regretter. Il n’osait pas en parler, pourtant. Fierté mal placée ou peur de remontrance, il ne savait le dire. Dans tous les cas, la perspective de subir les railleries de Kisshu l’exaspérait d’avance. Et puis, que pouvait-il leur raconter d’intéressant ? Il avait cru voir quelque chose sur son radar mais il n’y avait rien eu. Voilà tout. Les étranges images qu’il voyait ne donnaient aucune information claire et digne d’intérêt. Sauf peut-être ses yeux vidés d’âme qu’il apercevait à chaque fois avant son réveil. Et encore. Les siens abordaient également cette teinte violine. Peut-être même qu’il s’agissait de ses iris. Mais quelque chose lui disait le contraire. La forme, peut-être.

       Dessous sa porte, il vit passer une ombre rapide qui le sortit de ses pensées. Kisshu et Tart étaient certainement réveillés. Il devait les rejoindre avant que l’un d’eux ne décide de venir le sortir de son lit. Ils ne devaient pas entrer sa chambre. Ils verraient son état, la sueur imbibant ses draps et alors, ils n’auraient aucun mal à deviner que l’aîné était tourmenté. Non, ils ne devaient pas le savoir. Son rôle était d’être le roc, le pilier auquel ses cadets pouvaient s’accrocher. Hors de question de montrer une faille. Les cauchemars finiraient bien par s’estomper.

       Un léger frisson le gagna lorsqu’il s’extirpa de ses draps chauds et humides. Il devait, d’abord, prendre une douche puis ensuite, défaire les étoffes du matelas et les laver, sans se faire voir. S’il avait, jusqu’ici, réussi à agir en secret, Pai était conscient que son manège ne durerait pas éternellement.

       Il se dirigea vers sa salle de bain, ôta ses habits et se délecta du bien-être de l’eau sur son corps. Dix minutes, pas plus. Et c’était déjà de trop. Le vaisseau était équipé d’un récupérateur d’eau sophistiqué, rendant la source liquide presque inépuisable, mais ne c’était pas une raison pour abuser de ce confort. Là-bas, chez eux, sur leur planète hostile, les leur ne pouvait pas jouir d’autant de luxe qu’eux. Chaque aspect opulent offert dans ce vaisseau devait être traité avec respect et raison. En hommage à ceux qui souffraient.

       Une demi-heure plus tard, l’ainé des aliens rejoignit ses frères. Il avait extirpé ses draps souillés de son lit, avait mis ceux lavé la veille, s’était habillé et apprêté pour la journée. Assis devant le visuel du globe terrestre, Kisshu et Tart s’abreuvait en silence de leur boisson chaude matinale respective. Une tasse fumante attendait Pai. Tart la lui avait certainement préparée. Ce n’était pas dans le caractère de Kisshu de faire preuve de ce genre d’intention. À l’image des plus jeunes, l’alien garda le silence. Il vint se placer entre ses deux frères mais, contrairement à eux, il refusa de s’asseoir.

    -Qu’est-ce qu’on fait aujourd’hui ? demanda Tart en réprimant un bâillement.

    -La même chose qu’hier, je suppose. Déstabiliser les forces humaines, continuer à les affaiblir, les aider dans leur autodestruction et faire en sorte que les mew-mew ne viennent pas contrecarrer nos plans, informa Pai avant de boire une gorgée de sa boisson amer.

    -Et les analyses du mew-aqua ? , interrogea, cette fois, Kisshu.

    -Elles n’ont rien révélé de plus lorsque je suis parti me coucher. Certaines zones de Tokyo semblent réagir aux mêmes phénomènes mais nous ne pouvons pas être certains à cent pour cent qu’il y en ait. Le mieux serait de faire des recherches sur place.

    -Inutile. Nous pourrons bientôt mettre notre plan à exécution. En revanche, on peut toujours créer un leurre pour nos amies. Ça serait un fabuleux moyen de les attirer et en finir avec elle une bonne fois pour toute.

    -Ah oui, ça je suis d’accord, approuva Tart après avoir bu sa gorgée finale. J’ai hâte que tout soit prêt.

    -Il faut encore un peu de temps pour que le cocon soit assez mature. Par contre, j’ai une idée de l’endroit où nous pourrions le placer, renseigna l’ainé. Une zone de recherche relève un taux de chance de quatre-vingt-dix pourcent de présence de mew-aqua. Si nous utilisons un leurre ici, nous auront cent-pour-cent de chance que les mew-mew interviennent.

    -Elles seront persuadée que nous l’avons en notre possession. Elles arrêteront de le chercher, approuva Kisshu en se relevant. Et lorsqu’elles comprendront, il sera déjà trop tard.

      La jubilation du cadet était contagieuse et compréhensible. Pai espérait de tout cœur qu’il ait raison. Un rapide calcul lui confirma qu’il y a presque quatre-vingt-douze pourcent de réussite. Il suffisait encore de peaufiner le plan pour atteindre un taux plus élevés encore.

    -Bienvenue au café mew-mew ! Puis-je prendre votre commande ?

       Abordant son indémodable sourire chaleureux, la jeune femme pencha légèrement sa tête sur le côté. Ses clients, deux filles en compagnie de deux garçons, répondirent d’abord par un sourire avant de passer commande. Le café avait une très bonne réputation, tant par son service que par la qualité des produits proposés. Des pâtisseries fraîchement préparée sur place par un pâtissier de renom. On disait de lui qu’il avait fait une partie de son apprentissage en France et personne n’osait le contester tant ses gâteaux étaient délicieux. Le thé et les boissons fraîches étaient soigneusement préparés à la commande. Les clients étaient nombreux et chacun d’eux pouvait compter sur les cinq serveuses du café.

    Crac, Slapsh, Boum !

       Le bruit assourdissant d’une chute vint déranger la quiétude bonne enfant du lieu. Tous les regards se tournèrent vers la jeune femme qui s’était étalée au sol, de tout son long. Le plateau qu’elle tenait s’était renversée n’épargnant ni les gâteaux, ni les boissons qu’il contenait. Difficilement, la serveuse maladroite essaya de se relever, aidée par ses collègues à proximité.

    -Tout va bien, Retasu ? demanda la plus jeune sans dissimulée son inquiétude.

    -Oui, ne t’en fait. J’ai encore fait preuve de maladresse. Rien de plus.

       Elle simula un rire gêné cachant difficilement son mal-être. Zakuro, qui assistait Pudding, lui fit discrètement la remarque. Elle s’était pourtant améliorer, mais depuis quelques semaines, sa gaucherie la rattrapait et les choses empiraient. Les clients présents depuis quelques heures pouvaient compter non sans mal, déjà trois de ses chutes. Retasu s’excusa et s’empressa de ramasser sa bévue, retenant les larmes qui parlaient aux coins de ses yeux.

    -Elle m’inquiète, souffla Minto un peu plus loin, tandis qu’Ichigo attendait que Keiichiro lui prépare sa commande.

    -Elle est clairement à bout de force. Je ne l’ai jamais vu aussi fatiguée, rajouta la chef du groupe en regardant le pâtissier avec inquiétude.  

    -Il est vrai que ça fait des semaines que les choses empirent. Notre Retasu fatigue a vu d’œil. Je vais lui proposer de prendre une pause…

    -Elle est comme ça depuis que vous nous avez envoyé là-bas pour rien, ajouta sèchement la demoiselle qui finissait son thé. Il serait peut-être temps que Ryô approfondisse les choses et bouscule un peu Retasu afin qu’elle parle enfin de ce qu’elle a vu. Tout ce que nous savons, c’est qu’elle a eu une vision horrible. Elle refuse d’en parler et je la soupçonne, avec raison, de ne pas assez dormir.

       Le pâtissier écoutait d’une oreille calme, tandis qu’il déposait la commande sur le plateau d’Ichigo. Minto n’avait pas tort. Il balaya son regard sur la salle. Les clients étaient tous servit, à l’exception de la dernière table, qui le serait bientôt. Un peu plus loin, Retasu finissait de ramasser les morceaux de verre, tandis que Pudding l’aidait à nettoyer le sol. Ryô n’était pas loin. Sûrement quelque part dans la cuisine, à regarder avec envie les derniers muffins qui restaient. Le chahut qu’avait causé la chute de la maladroite ne lui était sûrement pas inconnu. Zakuro n’étant plus dans la salle, le pâtissier pressentit que l’ainée s’était rendue auprès de son employeur. Il n’aurait, donc, pas besoin de tout expliquer, mais sûrement d’appuyer les dires de la jeune femme, en tout point similaire à ceux de sa collègue, à ne pas douter.

    -Je m’absente quelques minutes. Je reviens vite.

       Sans dire un mot de plus, il franchit la porte derrière le comptoir. Le brun avait bien deviné. Malgré ses yeux posés sur les pâtisseries, son ami écoutait les paroles de la louve.

    -Il faut trouver une solution, Ryô. Ça ne peut pas durer, conclut-elle d’une voix ferme.

    -Et qu’est-ce que tu proposes ? Elle refuse de nous en parler… souligna le blond de sa voix désinvolte.

       Pour toute réponse, Zakuro haussa les épaules. Tous étaient démunis face à la situation. Si Retasu refusait de parler, personne ne pouvait la forcer. Pourtant, Keiichiro avait bien une idée. Pas la plus plaisante, évidemment, mais sûrement la plus efficace. Le chef du projet mew-mew y avait certainement pensé, sans oser l’évoquer. Il ne connaissait que trop bien l’inconfort de cette solution, pour l’avoir lui-même vécu après la perte de ses parents.

       Il avait perdu le sommeil, comme la jeune femme qui travaillait maintenant sous ses ordres. Keiichiro, son ami, son compagnon, son frère, essayait de le faire parler, connaître ce qui le tracassait. Mais le jeune Ryô n’arrivait pas à dire un mot à ce sujet. Alors, le petit génie qu’il était avait mis au point une machine. Comment ? La réponse était complexe mais le fonctionnement était simple. Il suffisait de mettre quelques électrodes sur le front, s’allonger, s’endormir, et laisser la machine faire le reste. À sa grande stupeur, Keiichiro avait vu le cauchemar qui hantait le jeune prodige. Des images de morts, de flammes et de larmes. Des cadavres vivants l’appelant à les sauver, les mains tendues jusqu’à l’agripper. Jusqu’à ce qu’il se réveille. Ryô avait pleuré une bonne fois pour toute, dans les bras de son ami. Il était encore effrayé mais aussi soulagé d’avoir pu partager sa peine avec lui. Depuis lors, même s’il ne dormait toujours pas sur ses deux oreilles, le patron du café avait réussi à retrouver un semblant de sommeil. Juste assez pour supporter le quotidien et le stress lié au projet mew-mew.

       Un coup d’œil rapide suffit au blond pour connaître les pensées de son acolyte. Il feignit, pourtant, l’ignorance.

    -Qu’as-tu proposé, Keiichiro ?

    -Tu le sais très bien, Ryô…

    -Mais encore faudrait-il qu’elle soit d’accord.

    -De quoi parlez-vous ?, intervint Zakuro, agacée.

       Le chef soupira et expliqua l’idée. La louve écoutait attentivement, pesant chaque mot avec attention. Elle resta silencieuse, tandis que la salle, derrière, commençait à se vider.

    -Ça peut être une solution, conclut-elle avec lenteur. Si cette méthode t’a aidé, elle pourra sûrement en faire de même pour Retasu…

    -Penses-tu qu’elle serait d’accord ?

    -Oui, je le suis.

       L’intervention de la jeune femme surprit les trois protagonistes de la cuisine. Ils se tournèrent, comme une seule et même personne, en sa direction. Retasu, aussi discrète que maladroite, avait tout entendu.

       Le café était fermé, maintenant, et le soleil commençait à se coucher. Ichigo, Minto, Pudding et Zakuro étaient reparties sous l’injonction de Ryô. Elles seraient tenues informées des résultats. Retasu, quant à elle, avait prévenu ses parents qu’elle rentrerait tard, prétextant quelques heures supplémentaires volontaires. Ils n’avaient rien eu redire tant la jeune femme avait toujours eu un comportement exemplaire.

       Allongée sur un matelas de fortune, elle laissa l’homme à la chevelure dorée déposer les électrodes sur son front.

    -Pas trop angoissée ? demanda-t-il tandis qu’il lui installait la dernière.

    -Si, un peu, avoua-t-elle à voix basse.

    -Nous serons prêt de toi avec Keiichiro. N’oublie pas. Ce n’est qu’un cauchemar. Dès que nous l’aurons vu, je suis certain que tu iras mieux.

       Il apposa une main chaleureuse sur son épaule avant de laisser place à son ainé, muni d’une tasse de thé qu’il tendit à la jeune fille. Le breuvage l’aiderait à trouver le sommeil. Une concoction à base de plante. Rien de chimique ou de dangereux. D’une traite, Retasu avala le contenu et s’allongea.

    -Je veux qu’on en finisse au plus vite…

       Pas la moindre méchanceté ou d’agacement dans sa voix. Mais une détermination qui ne cessait d’étonner Ryô chaque jour. La jeune femme était bien plus brave qu’elle l’imaginait. Cela la rendait plus charmante encore. Il ne lui fallut que quelques minutes pour plonger dans ses rêves. Un écran s’alluma et dessina un songe en noir et blanc.

       Un bruit bourdonnait en arrière-plan et la respiration de la protagoniste se faisait bruyante. Souffrait-elle ? Elle ouvrit sa porte d’un geste sec. Pas de signes souffrances mais de la colère. Une pauvre jeune femme en soubrette croisa son chemin. La surprise, la peur puis l’horreur se mirèrent tout à tour dans son regard avant que, d’une main, sa gorge soit attrapée. Un bruit d’os craquant. La servante n’était plus qu’une poupée sans vie que la main lâcha  sans trembler. Un couloir, magnifique, richement décoré. Un tapis aux couleurs unis. Des hommes, des femmes, de plus en plus armés. Des cadavres qui s’amoncellent. La femme souffre, son cœur pleurs mais elle continue à les tuer tous, un par un. Ce sont des traîtres, des espions. Un bruit, toujours bourdonnant, continue en arrière-plan. Le sang s’accumule. La rage s’empare entièrement de ce corps assoiffée de sang. Qui étaient ces hommes ? Ces femmes ? Avaient-ils une famille ? Peu importe, ils avaient fait un choix –contraint ou non. Ils devaient maintenant s’éteindre et disparaître.

       Le carnage se finit, mais la course se poursuit. Dans la chambre intacte, le sac est récupéré puis la course reprend de plus belle sous les claquements des flaques de sang qui jonchent maintenant le sol. Une porte de sortie. Enfin. Loin de ce cauchemar. Et tout prêt un miroir. La protagoniste s’en approche. Son reflet miroite dans ses yeux vides. Son visage, flou est maculé de sang. Le feu commence à brûler tandis que ses lèvres s’étirent en une grimace souriante et inquiétante.

    -C’est ta faute.

       L’écran s’éteignit, tandis que Retasu se relevait en sursaut. Son visage fut rapidement maculé de larmes. Ryô s’empressa de lui ôter les électrodes et de la prendre dans ses bras, comme l’avait fait Keiichiro des années auparavant.

    -C’est fini, dit-il d’une voix douce, tandis que la jeune femme se réconfortait dans ses bras.


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